Hervé Chesnais
Tombeau pour un
diptère
Cet insecte séché
- éphémère, phalène, anophèle, je ne sais
comme gravé sur le papier
le filigrane d’une tombe
l’incertain entrelacs des
pattes étoilées
voici le lin qui couvre
le très jeune homme nu
la vesture éployée
que suce le soleil.
J’envie l’insecte à
l’écrasant tombeau :
Gongora
tissa son linceul.
A Serge Daney
Vinrent alors les
ombres
graves comme des sœurs
à sa rencontre
douces dans la sollicitude
mais lui pas moins seul
croyait toucher à leur
passage
la terreur du vertige
les écharpes obscures.
A Gilles Deleuze
Mauvais jour du mois
mauvais
malgré l’or du saule et le
sang de la vigne
le givre écrase l’herbe
rare
Tombe avec le soir la
nouvelle de votre suicide
on parle d’une longue
maladie
à laquelle vous auriez mis
fin
Qui est-il celui qui
souffre trop
trop mal qui se défenestre
?
Cette souffrance retournée
sur soi
révèle ce me semble
l’énigme de votre ongle
si long qu’il s’achevait
d’un étrange rouleau de corne
Pas de griffe
mais pour vous signer
je songe au soin de la spirale.