Christophe Magand

 

 

 

 

Ravalement de façade

 

 

En traversant Prenzlauer Berg

Très tard dans la nuit

En longeant le parc

De la Kollwitzplatz

Etre étreint

D’une incroyable

tristesse

traversé d’un passé

que je n’ai pourtant

personnellement

qu’à peine connu

surtout ses traces

dans les choses et

dans les chairs

c’est la vie dans

l’ancien système

qui dans la nuit

me revient

et cette intense conviction

entre le réel d’aujourd’hui

avec ses façades rénovés

ses couleurs pimpantes

ses érotiques publicités

et celui austère et

secret

d’hier

le plus réel

n’est pas celui

désormais trop visible

c’est l’autre

 

 

 

 

 

Hivers

 

 

Le silence

Se dépose

Doucement

Jusqu’à masquer

complètement

Le passage

Qui était

Fréquenté

En été

Tombe

Et tombe

Un mur s’élève

Jusqu’au ciel

Sous le paysage

Demeure certes

La trace

Mais la fonte

En coulant

Redessine

Entièrement

Le dessin

Du terrain

On se souvient

Plus seulement

Qu’ici était

Un chemin

 

 

 

 

Courage

 

 

Que ton corps frêle

Ait à endurer

Un tel acharnement

Comme un affaissement

De l’intérieur

Un écroulement

Du dedans

Les retombées

De toutes ces guerres

traversées

Et quand arrive

Enfin la paix

Promise

La terre

Sereine

L’âge de la

réconciliation

Tu découvres

Presque avec surprise

Que tu n’en sors

Indemne

Le cancer

Les longues maladies

Inconnues

Sauvée de justesse

Les longues heures

D’opération

Ton corps

Ouvert

En deux

Déchiré

D’un trait

En travers

Et l’horreur

Du réveil

Branchée intubée

Aux machines

Même sous opium

Cette immense

Souffrance

Comme si cela

Ne suffisait pas

Mais ça continue

Les conséquences

Voilà que tu ne peux

Plus respirer

Nouveaux examens

Nouvelles tortures

Les tuyaux

Que l’on t’enfonce

Dans la gorge

Dans les poumons

Les seringues

Qui te transpercent

Les bras

Pour prélever

Les gaz du sang !

Diagnostic sec :

Emphysème

Te reste plus

Que 30 pour cent

De ta capacité

De respirer

Et toi

Toi, toujours vaillante

Toi tu dis

ce n’est rien

je ne te l’ai pas dit

tu sais

de loin

on peut s’inquiéter

pour rien !

Toi

Toi qui dis

Ça va

Ça va aller

 

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