Marie-Claire Bancquart

 

Poèmes extraits de :

La paix saignée précédé de

Contrées du corps natal

Editions Obsidiane

 

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Une pêche à la main, je rencontre

un inconnu, qui tient une pêche à la main.

 

Entre nous se dessine un arbre

sur le trottoir peuplé, dont les passants

soudain forment verger, avec sous leur peau l’aubier tendre.

 

Place de la Couture Saint-Gervais

on retourne aux cultures paysannes de jadis, sous un grand ciel.

 

 

 

 

L'atroce

on ne sait plus l'énumérer. Bateaux à déroutes

camps de réfugiés. Ceux de la mort.

 

Files de fuyards parmi des cadavres

au nez coupé

comme la dialectique de l'histoire.

 

Passagers du métro ou des trains, en éclats de bombe.

 

Notre Vie, notre louve

on l'imite, on est

mâchoires, griffes, on déchire

à son image, avant d'aller au trou.

 

Trou plus trou, quelques ‑ uns font bosses

dans le cimetière juif de Prague.

 

On n'élèvera pas de maison

plus habitable.

 

mais

au moins cela :

crier le cri.

 

 

 

                                                                                                                                                          

Je détaille

ton corps aimé : lèvres, cuisses, face.

 

Je célèbre chaque partie

je la rattache aux océans, aux fleuves.

 

Vainement.

 

Un désert en moi

sèche le cosmos.

 

Si je voyais entière une seule herbe

ce serait

assez pour la globalité du monde

 

mais tout ce dit

à force de fragments blessés

 

Si ce n’est que l’amour

peut quelquefois tracer dans l’air ce corps, de l’entaille à la peau.

 

 

 

                                                                                     in La paix saignée @ Obsidiane